L’AFFIRMATION TRANS D’OLIVIER ROUSTAING

Invité de l’émission Quotidien de Yann Barthès, le grand styliste de mode Olivier Roustaing a fait un coming out stupéfiant en affirmant visuellement son identité trans.

Par Fouad ZERAOUI

Très chic, habillé en Balmain, la maison dont il est le directeur artistique, le talentueux métis a dégainé un message corporel d’un bloc avec sa bouche.

Lèvres généreusement augmentées, ornées d’un rouge à lèvres discret, il a envoyé à la face du monde un message en forme de scoop : je suis Olivier Roustaing, styliste star et transsexuel en phase test.

En tous les cas l’essai fût réussi, il fallait voir cette bouche, digne de ses pairs comme Amanda Lepor, la star trans de New-York et égérie du photographe David Lachapelle; une bouche qui prenait toute la place sur le plateau de l’émission. On ne voyait qu’elle, on était suspendu à ses formes volumétriques, sa manière d’en jouer, d’axer toute sa personne autour de cet organe puissant et féminin, première étape d’une probable transformation courageuse mais qui n’en demeure pas moins compliquée. 

Comment affirmer une identité totalement radicale, tellement taboue, dans un milieu où la réussite se remet en question chaque année, au rythme fou des collections qu’il faut livrer, du succès qu’il faut garder, de l’image que l’on se construit au gré des milliers de selfies sur Instagram, et d’un coup dire au monde que tout ça, la gloire, les amis stars et le pouvoir ne suffisent pas à apaiser un malaise plus fort, le désir d’être une autre personne.

Ce désir tellement violent, le rejet de son identité initiale, nous rappelle le destin d’une autre star, Michael Jackson. 

Vous souvenez-vous ? Sa dernière apparition à Londres pour la promotion de sa dernière tournée. La même bouche XXL, le rouge à lèvres qu’on s’autorise enfin à porter, la chevelure en forme de crinière…

Le King of Pop au crépuscule de sa carrière avait fait un pas très significatif dans sa quête transgenre. Au gré de ses multiples transformations, de jeune garçon noir en diva à la peau blanchie, le nez qui disparait au fil des albums, Michael Jackson était devenu l’être reprogrammé, l’extrême opposé de ce que le destin lui a légué. Le garçon noir maltraité, exploité par un père manager abusif, homosexuel torturé par le secret et victime de sa gloire démente; Il a tout effacé de cette personne en souffrance perpétuelle, de son image dans le miroir, pour aller à l’extrême opposé de son héritage génétique et identitaire : devenir une femme blanche. La transexualité comme moyen radical de changer de peau, ne plus être ce qui vous a fait souffrir, être une personne nouvelle, gommer le passé et les histoires qu’on ne veut plus porter, dont on a été victime finalement, une renaissance.

Fréquenter les plus grandes stars, poser avec Rihanna, Kim Kardashian, avoir ses entrées dans la haute jet set, et pourtant l’égo n’est pas apaisé. 

Olivier Roustaing est peut-être ce jeune garçon qui ne veut plus qu’on raconte l’histoire de l’enfant métis, placé dans une famille d’accueil à l’âge d’un an. Pas suffisamment aimé par mes parents biologiques, abandonné j’ai été. Métis dans un monde blanc, une famille blanche, ma différence est criante. Je suis un enfant qui joue avec les mauvaises cartes. 

La vie a été favorable avec moi alors je me permet de redistribuer les cartes. Le monde ne me suffit pas tant que je n’aurait pas réglé son compte à mon enfance.

Mais comment aller vers cette personne nouvelle que je désire tellement, comment porter haut cette identité féminine comme une robe haute couture, plus brillante, plus forte, cette nouvelle peau, cette ultime création. Il en faut du courage pour s’affirmer dans sa transition. Avancer à pas feutrés dans un univers professionnel d’ultra privilégié, bien évaluer le rapport de force de peur de ne tout perdre. 

Pourtant une personne a réussi son parcours de transsexuelle au sein d’une grande compagnie de cosmétiques. Il a eu le courage de s’affirmer, de se transformer complètement en ravissante femme et a grimpé au sommet de l’échelle car elle le vaut bien… 

On ne le dit peut-être pas assez, la cause transsexuelle est le combat de la décennie. Plus de 3000 trans ont été assassinés l’an dernier aux Etats-Unis. Même si des exceptions se font jour, comme la star Laverne Cox de la série Orange is the new Black, ou le mannequin Inès Rau, devenir trans se paie et au prix fort.

Trans is the new tabou. Même dans le monde merveilleux de la mode où pratiquement tout le monde est gay. 

Alors, à défaut d’en parler, afin d’apaiser ses peurs, pour tester la société, et tout de même avancer avec prudence dans ce rêve incroyable d’une nouvelle naissance, d’une nouvelle identité, il suffit d’un bon rouge à lèvres.