POSE, LA NOUVELLE SÉRIE TRANSGENRE ET FABULEUSE DE RYAN MURPHY
Remarquable, bouleversante, flamboyante, il n’y a pas assez de mots pour dire le choc ressenti pour la série Pose et la gratitude à son auteur Ryan Murphy.
Par Fouad Zeraoui
Lorsque Jack Mizrahi m’a envoyé les photos du tournage de Pose avec Ryan Murphy et lui tenant le micro je me suis dit «amazing», l’auteur de Nip Tuck va encore une fois tout chambouler dans l’univers des séries télés.
Après le premier épisode, c’est comme si j’avais pris ma première pipe de crack : je suis devenu totalement accro ! Autant vous le dire tout de suite, Pose est une série très addictive. L’histoire, les personnages, sa philosophie, son amour de la communauté, le talent de narration et cette putain d’émotion qui nous saisit à pratiquement chaque scène…
UN HOMME, RYAN MURPHY, SON POUVOIR INOUÏ DANS L’INDUSTRIE, SON ENVIE DE FAIRE REVIVRE UN PAN DE NOTRE CULTURE, RÉUSSIT LA MEILLEURE SÉRIE LBGT DE TOUS LES TEMPS.
C’est l’histoire de 3 transsexuelles de New-York dans les années 80. Elles sont belles, so femm with attitude, et très lucides sur les failles de leurs existences compliquées. Elles sont noires et veulent briller mais surtout arracher à la société la part de dignité qu’elle méritent.
Pose est une série qui porte le sujet de la reconnaissance comme un coup de poing dans le cœur. Transsexuelle, gay, black, latino, socialement au bas de l’échelle, comment survivre lorsqu’on est exclu de la société et par sa propre communauté elle même déjà discriminée.
Ryan Murphy a bien compris le génie de la communauté black LBGT. Quand ta famille te banni, te jette à la rue, il suffit de se recréer une famille qui vous ressemble, avec la mère qui protège, les soeurs qui te consolent de leur humour grinçant, des mains qui te portent vers la réalisation de toi-même alors que rien ne t’a été donné.
Cette reconstitution de l’arbre généalogique se concrétise dans l’organisation des balls, cette ré-invention dans le ghetto des bals où tout le monde peut être absolutely fabulous : riche, flamboyant et fier le temps d’une nuit.
On entre dans ses balls par enchantement en découvrant tous ses personnages dans leurs splendeurs la nuit venue, l’exubérance des poses et des tenues, le bonheur de la bande son de ces années. Un West Side Story black LBGT où les rivalités des Maison Abundance dont la devise est «on peut tout posséder», et la Maison Evangelista, nommée ainsi car «elle m’a piqué mon look cette bitch de Linda»… autant dire qu’on tient la promesse d’une battle de divas qui remet Dynastie à sa place.
30 ans après le documentaire Paris is burning, Pose est la série inespérée sur cette culture où les codes de la famille sont ré-appropriés pour exorciser les traumatismes du rejet.
« C’est à propos d’être seul et de trouver des gens qui vous ressemblent » affirme Brad Falchuck le co-scénariste de la série.
Il faut remercier dieu ou bien directement Ryan Murphy que cette série puisse exister. Après Lee Daniels qui a introduit Amiyah Scott, un personnage trans authentique dans sa série Stars, Murphy offre les trois premiers rôles à des trans blacks et latino.
Une diva qui porte de la haute couture comme un rempart pour se fondre dans la société; une belle fleur qui rêve d’amour sur le bitume du tapin en ayant le béguin pour un client blanc marié et cadre à la Trump Tower; une madone transgenre séropo qui veut aider un jeune gay jeté à la rue par son père. Elle même rejetée par sa famille elle ouvre ses bras à ce jeune danseur SDFpour qu’il n’ai pas à porter le poids de sa disgrâce familiale.
Dès la dernière scène du premier épisode, quand elle réussit à convaincre la directrice de l’école de danse à auditionner «son nouveau fils», on assiste à un très grand moment de télévision. Damon met la cassette dans le lecteur, il n’y croit pas, il a peur. Le jury est disposé exactement comme dans Flashdance. Ryan Murphy en fait un remake totalement gay où le jeune danseur trouve son salut, à force d’hésitations, en lâchant prise pour être finalement lui-même : une folle géniale.
«Ce qui me rend le plus fier c’est que ma carrière me permet d’exposer les histoires qui m’intéressent et ma communauté. Je suis passionné par la communauté LBGT je veux raconter leurs histoires». Ryan Murphy est un type bien. Il ajoute : « Je suis un petit gay de l’Indiana qui a débarqué à Hollywood en 1989 avec 55 dollars dans la poche, donc le fait que mes rêves se soient réalisés d’une telle manière est bouleversant pour moi. »
On peut dire que Pose est la synthèse de toutes les obsessions de son créateur. La transformation et le désir d’être une version améliorée de soi (Nip Tuck), l’idolâtrie et le show qui nous font décrocher du réel (Glee), la malchance d’être né au plus bas de l’échelle sociale et la convoitise d’une vie privilégiée (L’assassinat de Gianni Versace)… tout ces thèmes sont réunis dans Pose.
À la différence que le jeune homme fauché débarquant de l’Indiana n’a eu qu’à décrocher son téléphone pour obtenir sa série.
Le géant de la VOD Netflix vient de s’offrir les services de Ryan Murphy et de sa société Ryan Murphy Productions, pour une période de cinq ans (à compter du 1er juillet) pour 300 millions de dollars.
Qui d’autres que Murphy peuvent rendre à leur communauté ce que la vie leur a donné ? Tout d’abord en racontant sans compromis des histoires LBGT avec la liberté dont il dispose et un casting interprétée par la plus large distribution transgenre de l’histoire des séries. Mais aussi en reversant la totalité des revenus de Pose à The Sylvia Rivera Law Project.
Les jeunes, retenez ce nom : Sylvia Rivera. C’est grâce à elle qu’existe la Gay Pride. Elle était trans, pauvre et en colère. Elle a ouvert une maison pour accueillir les jeunes trans à la rue. Elle a finit seule et sans abri sur les berges de l’Hudson River.
Ryan Murphy n’a pas oublié son nom. Il entend bien poursuivre son combat en «œuvrant à garantir à tous la libre détermination de son genre, de son identité sexuelle, en dehors de toutes considération de race et de revenus, sans avoir à faire face à la discrimination ou la violence».
Vraiment, je vous assure : Ryan Murphy est un type bien.
Pose, saison 1, à partir du mercredi 6 juin à 22H sur Canal+ Séries.
Avec MJ Rodriguez, Indya Moore, Dominique Jackson, Hailie Sahar et Angelica Ross.